LE TRAITEMENT PAR ARV CHEZ LES CONDUCTEURS DE MOTOS-TAXIS
Les contributions qui suivent ont été collectées sur le terrain par les 05 Experts du projet MOVIHCAM dans les villes suivantes : Bafoussam, Batouri, Douala, Kribi, N’Gaoundéré. Sur le thème ‘Traitement par ARV, il a été demandé aux experts d’interviewer des conducteurs de motos-taxis, personnel médical, responsable d’OBC, CPS/APS, Hommes de Dieu et « guérisseurs » divers. afin de relever leurs connaissances, perceptions, freins, croyances par rapport au traitement par ARV. Les informations collectées permettent de mettre en évidence les principales tendances qui se dégagent au sein d’une même population cible dans différents lieux géographiques. Ce document pourra ainsi contribuer à apporter des éléments de compréhension et fournir des arguments aux personnes, en particulier les pairs éducateurs, qui travaillent sur le terrain afin de convaincre avec plus d’efficacité les conducteurs de motos-taxis à adhérer au traitement et davantage ceux qui par déni ou ignorance entretiennent encore des croyances et /ou des freins liés au traitement. Le document produit par Moto Action sur les parallèles prévention routière et sexuelle sur le traitement pourra également aider dans la déconstruction de ces fausses croyances et freins. La rubrique FAQs du portail MOVIHCAM permet également de passer les bonnes informations sur les IST/VIH/SIDA. Nous prendrons ici en référence l’étude CAP motos-taxis réalisée sur près de 1411 conducteurs de motos-taxis par Moto Action en 2016.
Globalement, une grande tendance se dégage à savoir : une réticence à la prise du traitement ARV chez les conducteurs de motos-taxis. Une réticence due à la quelques croyances et/ou freins qui persistent ou une mauvaise perception et connaissance du traitement par ARV malgré une connaissance de l’existence de la maladie, du traitement et une prise de mesures en matière de dépistage, de retrait des résultats et une déclaration à être prêt à prendre le traitement en cas de résultat positif.
En effet, comme l’a révélé l’étude CAP motos-taxis réalisée sur près de 1411 conducteurs de motos-taxis par Moto Action en 2016, les conducteurs sont bien conscients de l’existence de la maladie. Ils représentent 98% de la population interrogée le nombre de conducteurs de motos-taxis ayant déjà entendu parler de la maladie. Selon la même étude, 81,8% des conducteurs de motos-taxis déclarent avoir fait un test de dépistage du VIH (dans les 12 derniers mois dans 51,7% des cas). Pendant qu’en ce qui concerne le traitement, ils sont 86 % des conducteurs de motos-taxis interrogés qui connaissent l’existence des traitements antirétroviraux quand 99,2 % déclarent être prêt à prendre en cas de résultat positif : « Oui, ils acceptent leur résultat ; d’autres viennent avec leurs épouses »(Ngaoundéré).
DETAILS DES REPONSES DONNEES
A la question quelles sont les croyances les plus répandues chez les conducteurs de motos-taxis, les conducteurs de motos-taxis ainsi que les responsables d’OBC affirment que de nombreuses croyances et/ou freins liés au VIH et au traitement par ARV persistent chez les conducteurs de motos-taxis. Parmi ces croyances, on note :
- Les ARV rendent impuissant (Kribi) ;
- Les ARV fatiguent (Batouri) ;
- Les ARV saoulent (Kribi, Douala);
- Les ARV font prendre du poids (Batouri) ;
- Les ARV ne guérissent pas le Sida (Douala, Kribi, Bafoussam) ;
- Les ARV sont nocifs et ont des effets secondaires (Douala) ;
- Le VIH est un sort (Batouri). NB : La sorcellerie représentant moins de 1% des modes de contamination cité par les conducteurs de motos-taxis selon l’étude CAP motos-taxis.
Des croyances auxquelles s’ajoutent des freins qui trouvent notamment leur essence dans les traditions, à la religion et au travail :
- Les prières et les potions traditionnelles guérissent le Sida (Kribi, Batouri);
- Le jeûne (Douala) ;
- La prise d’alcool, de tabac, boissons locales et autres stupéfiants (Batouri, Kribi) ;
- La peur et la honte d’être vu à l’UPEC et de perdre leurs clients (Kribi, Bafoussam);
- Les contraintes de vie et les conditions de travail (Douala).
Des freins et des croyances ayant pour conséquences :
- L’oubli (Kribi);
- La rupture de l’observance (Kribi);
- Le déni de la maladie (Douala);
- Le doute en l’efficacité du traitement (Douala, Bafoussam, Kribi);
- La détérioration de l’état de santé du patient (Kribi).
Malgré une forte réticence observée chez les conducteurs de motos-taxis, le personnel médical des centres de prises en charge révèlent quand même avoir dans leur fil active des conducteurs de motos-taxis (Kribi). Une déclaration qui trouve sa pertinence quand on estime à 2,6 % la prévalence globale chez les conducteurs de motos-taxis (Etude CAP motos-taxis, 2016).
Pour les encourager à s’impliquer davantage dans leur traitement, le personnel médical présente plusieurs avantages parmi lesquels :
- Le traitement freine l’évolution de l’infection à VIH vers la maladie (Batouri)
- Le traitement baisse la charge virale et augmente le taux de CD4 (Batouri)
- Le traitement améliore l’état de santé et permet de rester bien portant, de ne pas maigrir et contracter d’autres maladies plus graves (Batouri) ;
- Une personne séropositive sous traitement antirétroviral bien conduit et bien suivi, avec une charge virale indétectable, ne transmet pas le VIH et peut faire des enfants (Batouri) ;
- Le traitement évite d’avoir les maladies opportunistes qui dégradent la santé des personnes atteintes du VIH (Kribi).
Seulement, ce traitement obéit à un schéma thérapeutique : «…Toutes les personnes référées chez nous sont dépistées à nouveau et après confirmation, l’ouverture du dossier; les examens et bilan pré-thérapeutique (ces examens demandés par les médecins dépendent de l’état clinique du patient);préparation pré-thérapeute; le comité thérapeutique et enfin la mise sous traitement (Batouri). A Kribi, on parle de protocole thérapeutique : «…On utilise la première ligne du protocole. Il faut savoir que la première ligne du protocole utilisée c’est : Deux Inhibiteurs Non Nucléosidiques (2 INN) de la transcriptase inverse + un Inhibiteur de la protéase (IP). Donc c’est ça le protocole choisi par le MINSANTE, le protocole de la première ligne. Maintenant le protocole du Cameroun c’est : Tenofovir + Lamivudine + Effavirenz(…) ».
Des schémas et protocoles qui présentent quelques fois leurs limites dans les moyens financiers pour les examens préliminaires à la mise sous traitement (Batouri) ou encore dans la disponibilité des molécules (Kribi).
En ce qui concerne par ailleurs les cas d’échecs thérapeutiques, plusieurs signes permettent d’indiquer à un conducteur de motos-taxis que son traitement de trithérapie a échoué ou marché. En effet, comme le confie le personnel médical, c’est à partir des résultats des examens de bilan de suivi à savoir la charge virale et le taux de CD4 + CD8, qu’on peut juger s’il y a réussite thérapeutique ou non (Kribi). Pour des cas à la phase symptomatique, il est facile de voir si le traitement marche. Globalement, on relèvera :
- La disparition de maladies opportunistes, la reprise de poids, la bonne mine, de la fatigue et autres malaises (Kribi, Batouri).
Par contre, pour les cas asymptomatiques, c’est l’absence des infections opportunistes; la constance du poids; la charge virale indétectable après examens qui pourront être considérés comme des indicateurs (Kribi).
Du côté des APS/CPS, on note également dans l’ensemble une réticence face au traitement et à l’observance. Une réticence qui cette fois, est principalement due au fait que le médicament se prend à vie (Kribi, Douala, Batouri) ou encore est perçu comme la mort (Kribi).
Quand on leur demande les arguments, stratégies pour la rétention des conducteurs de motos-taxis dans le circuit de traitement, les APS/CPS dévoilent plusieurs approches dont :
- La conscientisation du patient et de la famille (Douala) ;
- Les conseils pouvant aider à montrer les avantages de prendre et rester sous traitement ainsi que les conséquences de ne pas se mettre sous traitement ou ne pas être observant (Batouri) ;
- Le rappel des modes de transmission de la maladie autres que les rapports non protégés afin de les aider à déculpabiliser, à accepter la maladie et adhérer au traitement (Kribi).